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2 - La pratique du masque flou Bibliographie |
Lors de son passage à proximité de la Terre, La
comète
Hyakutake fut spectaculaire. Sa chevelure était visible à
l'œil nu en pleine ville et sa queue s'étendait sur plus de
40°.
Contrairement à ce que l'on pourrait penser, la photographie
d'un tel astre n'est pas facile, car le noyau et la chevelure
sont extrêmement plus brillants que la queue de la comète.
Il
est donc difficile de restituer, à la fois, les détails
de la
coma et ceux de la queue sur un même tirage
(voir cliché de Hyakutake).
Le problème se pose également pour les grandes
nébuleuses
diffuses comme la nébuleuse d'Orion M42
et la nébuleuse de la Lagune M8, qui
présentent chacune un centre très brillant entouré
par de
grandes étendues peu contrastées.
Les trois photos que vous avez pu voir à l'aide d'un simple
click de la souris, ont été tirées sans masques
flous.
L'exposition sous l'agrandisseur a été courte, juste
suffisante
pour donner au fond de ciel un niveau de gris satisfaisant. Vous
remarquerez que les détails de la chevelure de la comète,
ou du
centre des nébuleuses, sont noyés dans un blanc uniforme.
Une exposition plus longue sur du papier moins contrasté (grade
1 ou 2) aurait pu révéler les détails des zones
brillantes,
mais la queue de la comète, ou les extensions des
nébuleuses,
auraient disparu derrière le noir profond du ciel.
Nous allons voir comment la technique du masque flou permet de
détailler à la fois les zones denses et les zones faibles
d'un
négatif.
La technique du masque flou a été utilisée,
pour la
première fois, par David
MALIN en 1977, sur des plaques de Schmidt.
Le principe de la technique est très simple. Le négatif
est
tiré au travers d'un masque afin d'exposer plus longuement les
zones denses du négatif. Cela a pour heureux effet d'assombrir
le centre de la nébuleuse sans perdre les faibles détails
des
extensions. En d'autres termes, le masque adapte le temps
d'exposition du papier-photo en fonction de la densité du
négatif.
Le masque est donc positif, car il doit être transparent pour
les zones denses du négatif, et être opaque pour les zones
claires. De plus, le masque est volontairement flou pour ne
modifier que la densité moyenne d'une zone (basses
fréquences
spatiales) et préserver les détails (hautes
fréquences
spatiales). Si le masque était net, on obtiendrait sur le papier
un gris uniforme ( car dans ce cas, le masque compenserait
exactement le négatif).
En pratique, il est souvent nécessaire d'effectuer plusieurs
expositions successives :
La durée totale de l'exposition sous l'agrandisseur peut
facilement dépasser les 20 minutes!
A ma connaissance, il existe trois méthodes pour
réaliser
cette technique. Ces méthodes se distinguent par le format du
masque et la place du masque sous l'agrandisseur.
Cette méthode est surtout utilisée pour les
négatifs de
grande taille comme les plaques de Schmidt et le TP4415.
Confection du masque :
Le masque a la taille du négatif. On réalise une
"planche-contact" du négatif sur un bout de film en
intercalant une épaisseur de Plexiglas ou de vitre. Cette
épaisseur de quelques millimètres diffuse la
lumière et rend
ainsi le masque flou.
Tirage de l'épreuve papier :
Le négatif original est placé dans l'agrandisseur
avec le
masque. Leur superposition doit être parfaite afin
d'éviter
tout effet de silhouettage.
Avec cette méthode, il est très difficile de faire
des
expositions successives avec différents masques.
Confection du masque :
Le masque est, cette fois-ci, un plan-film de la taille de
l'épreuve papier. Le négatif original est logé
seul dans
l'agrandisseur. Le plan-film repose sur le plateau de
l'agrandisseur et est recouvert par une vitre d'environ 2 mm
d'épaisseur sur laquelle est placée une feuille de papier
calque pour diffuser la lumière.
Tirage de l'épreuve papier :
La vitre et le calque sont maintenant remplacés par le
papier-photo. Celui-ci doit être collé sur le plateau de
l'agrandisseur avec du scotch double face exactement à la
position où le masque a lui-même était
exposé (vous pouvez
vous repérer par rapport aux étoiles brillantes de
l'image).
Il est alors possible d'exposer d'abord le papier sans masque
(1ère exposition), puis avec le masque, en juxtaposant ce
dernier sur le papier-photo.
Si au cours du tirage, vous vous apercevez qu'un masque
supplémentaire serait nécessaire, il vous faut remettre
la
vitre et le calque à la même place qu'ils occupaient lors
de la
confection du 1er masque. Ces manipulations sont délicates;
c'est l'inconvénient majeur de cette méthode.
C'est cette troisième méthode que j'utilise
personnellement.
Il s'agit en quelque sorte d'une méthode intermédiaire
aux deux
autres sans les inconvénients.
Le dispositif nécessaire a l'avantage de rester le même
pendant
toute la durée du traitement (de l'exposition du 1er masque
jusqu'au tirage de la dernière épreuve papier). Les
réglages
et les positionnements sont faits une fois pour toutes. De plus,
les nombreuses manipulations de vitres ou de papiers calque
disparaissent.
Principe et description du dispositif :
Contrairement aux autres méthodes, le flou du masque n'est
pas réalisé à l'aide d'un diffuseur. Il est
réalisé par une
simple défocalisation. En effet, pendant son exposition, le
plan-film est placé à mi-hauteur sous l'agrandisseur
(entre
l'objectif et le plateau) alors que la mise au point a
été
faite au niveau du margeur.
Cela peut paraître compliqué à mettre en œuvre. En
fait,
il n'en est rien. Une simple vitre de verre supportée par quatre
pieds en bois suffit parfaitement. On collera sur un coin de la
vitre deux bouts de règles en plastique placés à
90° l'un de
l'autre pour faire une butée sûre et
indéréglable.
Cette "table" pourra être fixée sur le plateau de
l'agrandisseur (du scotch suffit) en veillant à ce que le coin
formé par la butée coïncide approximativement avec
le coin de
l'image.
Confection du masque :
La mise au point est réalisée au niveau du margeur
(pour
que le tirage papier soit net). Ensuite, pour réaliser un
masque, il suffit de poser un plan-film sur la vitre en le calant
contre les deux butées.
Le format du plan-film peut être avantageusement réduit
à
13x18 pour une épreuve papier au format 18x24. Pour ma part,
j'utilise le film ILFORD LINE (110FF les 25 feuilles 13x18). Le
temps d'exposition est généralement court, de 5 à
30 s à
F/D=5.6, selon la densité du négatif. En observant le
masque
par transparence sur un fond clair, les extensions de l'astre
photographié doivent être visibles, mais le fond de ciel
doit
être d'un noir profond. Le développement peut se faire
dans le
révélateur du papier. Cependant, un développement
de 3 minutes
avec le TETENAL DOKUMOL est préférable, car le masque
obtenu
est encore plus contrasté. 2 minutes de rinçage
suffisent, le
séchage peut être accéléré à
l'aide d'un sèche-cheveux.
On obtient ainsi, en peu de temps, un
1er masque que l'on peut immédiatement tester en tirant une
épreuve papier.
Tirage de l'épreuve papier :
Un tirage sans masque est nécessaire pour déterminer
le
temps t0 de la 1ère exposition qui donne au fond de ciel un noir
satisfaisant.
Ensuite, il nous faut déterminer le temps t1 de la 2ème
exposition, qui, elle, s'effectue à travers le 1er masque. Pour
cela, on réalise plusieurs essais en exposant des petits bouts
de papier-photo, d'abord sans masque pendant le temps t0, puis
avec le masque pendant un certain temps t1! En première
approximation, t1 est de 2 à 5 fois plus grand que t0.
Après chaque essai, plusieurs cas de figure peuvent se
présenter :
Sauf mentions contraires, les photos présentées ici
ont
été prises au foyer d'un télescope Newton "fait
maison" de 250 mm de diamètre et ouvert à F/D=5.4, sur du
TP2415 hyper développé 7 à 9 minutes dans du D19.
Le tirage a
été effectué suivant la méthode dite "sans
contact".
La nébuleuse de l'Aigle M16 : 40 minutes de pose.
Utilisation d'un seul masque.
Voir le tirage brut
Voir le
tirage final
La nébuleuse de la Lagune M8 : 30 minutes de pose.
Utilisation de 2 masques.
Voir le tirage brut
Voir le tirage final
La nébuleuse Oméga M17 : 35 minutes de pose.
Utilisation de 3 masques.
Voir le tirage brut
Voir les
tirages intermédiaires
Voir le
tirage final
La nébuleuse d'Orion M42 : 20 minutes de pose.
Utilisation de 6 masques.
Voir tirage brut
Voir tirage
final
M42 est mon premier "masque flou". Si j'avais mieux
su optimiser les différents temps d'exposition, 3 ou 4 masques
auraient suffit. Un conseil: ne choisissez pas M42 pour débuter.
La comète Hyakutake : téléobjectif de 200
mm de focale
à F/D=4. Pose de 21 minutes commencée le 23/03/96
à 0H54 TU.
Utilisation de 4 masques.
Voir tirage brut
Voir tirages intermédiaires
Voir
tirage final
Vous remarquerez que la technique du masque flou donne
d'intéressants résultats sur les comètes
brillantes. La
comète Hale-Bopp méritera certainement, elle aussi, le
même
traitement.
Certains astrophotographes pratiquent aussi le masque flou sur
les grandes galaxies, les amas globulaires et les planètes. Si
vous n'avez pas encore rangé définitivement votre
agrandisseur
au fond du grenier au profit de la CCD, je vous encourage à
réaliser un "masque flou" sur un de vos plus beaux
négatifs. Vous oublierez bien vite les quelques heures de
travail passées en chambre noire.
B.D.Wallis, R.W.Provin, "A manual of advanced celestrial
photography", Cambridge University Press (1988).
D.Malin, Murdin, "Couleurs des étoiles".
F.Braem, "Techniques de l'astrophotographie : le masque
flou", Astro-Ciel n°54, nov/déc 94.
Ch.Schur, "The magic of unsharped mask", Deep-Sky
n°35, Summer 91, Kalmbach Publishing Co.