Le tirage photo par masque flou

par Olivier LARDIERE (septembre 1996)

Sommaire:

1 - Principe du masque flou

2 - La pratique du masque flou

3 - Résultats photographiques

Bibliographie

  • La nébuleuse de la Lagune...

    sans masque flou...

    ...et avec masque flou !



Lors de son passage à proximité de la Terre, La comète Hyakutake fut spectaculaire. Sa chevelure était visible à l'œil nu en pleine ville et sa queue s'étendait sur plus de 40°.
Contrairement à ce que l'on pourrait penser, la photographie d'un tel astre n'est pas facile, car le noyau et la chevelure sont extrêmement plus brillants que la queue de la comète. Il est donc difficile de restituer, à la fois, les détails de la coma et ceux de la queue sur un même tirage (voir cliché de Hyakutake).
Le problème se pose également pour les grandes nébuleuses diffuses comme la nébuleuse d'Orion M42 et la nébuleuse de la Lagune M8, qui présentent chacune un centre très brillant entouré par de grandes étendues peu contrastées.
Les trois photos que vous avez pu voir à l'aide d'un simple click de la souris, ont été tirées sans masques flous.
L'exposition sous l'agrandisseur a été courte, juste suffisante pour donner au fond de ciel un niveau de gris satisfaisant. Vous remarquerez que les détails de la chevelure de la comète, ou du centre des nébuleuses, sont noyés dans un blanc uniforme.
Une exposition plus longue sur du papier moins contrasté (grade 1 ou 2) aurait pu révéler les détails des zones brillantes, mais la queue de la comète, ou les extensions des nébuleuses, auraient disparu derrière le noir profond du ciel.
Nous allons voir comment la technique du masque flou permet de détailler à la fois les zones denses et les zones faibles d'un négatif.



1 - Principe de la technique du masque flou

La technique du masque flou a été utilisée, pour la première fois, par David MALIN en 1977, sur des plaques de Schmidt.
Le principe de la technique est très simple. Le négatif est tiré au travers d'un masque afin d'exposer plus longuement les zones denses du négatif. Cela a pour heureux effet d'assombrir le centre de la nébuleuse sans perdre les faibles détails des extensions. En d'autres termes, le masque adapte le temps d'exposition du papier-photo en fonction de la densité du négatif.
Le masque est donc positif, car il doit être transparent pour les zones denses du négatif, et être opaque pour les zones claires. De plus, le masque est volontairement flou pour ne modifier que la densité moyenne d'une zone (basses fréquences spatiales) et préserver les détails (hautes fréquences spatiales). Si le masque était net, on obtiendrait sur le papier un gris uniforme ( car dans ce cas, le masque compenserait exactement le négatif).
En pratique, il est souvent nécessaire d'effectuer plusieurs expositions successives :

La durée totale de l'exposition sous l'agrandisseur peut facilement dépasser les 20 minutes!




2 - La pratique du masque flou

A ma connaissance, il existe trois méthodes pour réaliser cette technique. Ces méthodes se distinguent par le format du masque et la place du masque sous l'agrandisseur.


2.1 - Méthode par "contact-négatif" (voir schémas)

Cette méthode est surtout utilisée pour les négatifs de grande taille comme les plaques de Schmidt et le TP4415.

Confection du masque :
Le masque a la taille du négatif. On réalise une "planche-contact" du négatif sur un bout de film en intercalant une épaisseur de Plexiglas ou de vitre. Cette épaisseur de quelques millimètres diffuse la lumière et rend ainsi le masque flou.

Tirage de l'épreuve papier :
Le négatif original est placé dans l'agrandisseur avec le masque. Leur superposition doit être parfaite afin d'éviter tout effet de silhouettage.
Avec cette méthode, il est très difficile de faire des expositions successives avec différents masques.





2.2 - Méthode par "contact-papier" (voir schémas)

Confection du masque :
Le masque est, cette fois-ci, un plan-film de la taille de l'épreuve papier. Le négatif original est logé seul dans l'agrandisseur. Le plan-film repose sur le plateau de l'agrandisseur et est recouvert par une vitre d'environ 2 mm d'épaisseur sur laquelle est placée une feuille de papier calque pour diffuser la lumière.

Tirage de l'épreuve papier :
La vitre et le calque sont maintenant remplacés par le papier-photo. Celui-ci doit être collé sur le plateau de l'agrandisseur avec du scotch double face exactement à la position où le masque a lui-même était exposé (vous pouvez vous repérer par rapport aux étoiles brillantes de l'image).
Il est alors possible d'exposer d'abord le papier sans masque (1ère exposition), puis avec le masque, en juxtaposant ce dernier sur le papier-photo.
Si au cours du tirage, vous vous apercevez qu'un masque supplémentaire serait nécessaire, il vous faut remettre la vitre et le calque à la même place qu'ils occupaient lors de la confection du 1er masque. Ces manipulations sont délicates; c'est l'inconvénient majeur de cette méthode.





2.3 - Méthode "sans contact" (voir schémas)

C'est cette troisième méthode que j'utilise personnellement. Il s'agit en quelque sorte d'une méthode intermédiaire aux deux autres sans les inconvénients.
Le dispositif nécessaire a l'avantage de rester le même pendant toute la durée du traitement (de l'exposition du 1er masque jusqu'au tirage de la dernière épreuve papier). Les réglages et les positionnements sont faits une fois pour toutes. De plus, les nombreuses manipulations de vitres ou de papiers calque disparaissent.

Principe et description du dispositif :
Contrairement aux autres méthodes, le flou du masque n'est pas réalisé à l'aide d'un diffuseur. Il est réalisé par une simple défocalisation. En effet, pendant son exposition, le plan-film est placé à mi-hauteur sous l'agrandisseur (entre l'objectif et le plateau) alors que la mise au point a été faite au niveau du margeur.
Cela peut paraître compliqué à mettre en œuvre. En fait, il n'en est rien. Une simple vitre de verre supportée par quatre pieds en bois suffit parfaitement. On collera sur un coin de la vitre deux bouts de règles en plastique placés à 90° l'un de l'autre pour faire une butée sûre et indéréglable.
Cette "table" pourra être fixée sur le plateau de l'agrandisseur (du scotch suffit) en veillant à ce que le coin formé par la butée coïncide approximativement avec le coin de l'image.



Confection du masque :
La mise au point est réalisée au niveau du margeur (pour que le tirage papier soit net). Ensuite, pour réaliser un masque, il suffit de poser un plan-film sur la vitre en le calant contre les deux butées.
Le format du plan-film peut être avantageusement réduit à 13x18 pour une épreuve papier au format 18x24. Pour ma part, j'utilise le film ILFORD LINE (110FF les 25 feuilles 13x18). Le temps d'exposition est généralement court, de 5 à 30 s à F/D=5.6, selon la densité du négatif. En observant le masque par transparence sur un fond clair, les extensions de l'astre photographié doivent être visibles, mais le fond de ciel doit être d'un noir profond. Le développement peut se faire dans le révélateur du papier. Cependant, un développement de 3 minutes avec le TETENAL DOKUMOL est préférable, car le masque obtenu est encore plus contrasté. 2 minutes de rinçage suffisent, le séchage peut être accéléré à l'aide d'un sèche-cheveux.
On obtient ainsi, en peu de temps, un 1er masque que l'on peut immédiatement tester en tirant une épreuve papier.

Tirage de l'épreuve papier :
Un tirage sans masque est nécessaire pour déterminer le temps t0 de la 1ère exposition qui donne au fond de ciel un noir satisfaisant.
Ensuite, il nous faut déterminer le temps t1 de la 2ème exposition, qui, elle, s'effectue à travers le 1er masque. Pour cela, on réalise plusieurs essais en exposant des petits bouts de papier-photo, d'abord sans masque pendant le temps t0, puis avec le masque pendant un certain temps t1! En première approximation, t1 est de 2 à 5 fois plus grand que t0.
Après chaque essai, plusieurs cas de figure peuvent se présenter :




3 - Résultats photographiques

Sauf mentions contraires, les photos présentées ici ont été prises au foyer d'un télescope Newton "fait maison" de 250 mm de diamètre et ouvert à F/D=5.4, sur du TP2415 hyper développé 7 à 9 minutes dans du D19. Le tirage a été effectué suivant la méthode dite "sans contact".

La nébuleuse de l'Aigle M16 : 40 minutes de pose. Utilisation d'un seul masque.

Voir le tirage brut
Voir le tirage final

La nébuleuse de la Lagune M8 : 30 minutes de pose. Utilisation de 2 masques.

Voir le tirage brut
Voir le tirage final

La nébuleuse Oméga M17 : 35 minutes de pose. Utilisation de 3 masques.

Voir le tirage brut

Voir les tirages intermédiaires

Voir le tirage final

La nébuleuse d'Orion M42 : 20 minutes de pose. Utilisation de 6 masques.

Voir tirage brut
Voir tirage final

M42 est mon premier "masque flou". Si j'avais mieux su optimiser les différents temps d'exposition, 3 ou 4 masques auraient suffit. Un conseil: ne choisissez pas M42 pour débuter.

La comète Hyakutake : téléobjectif de 200 mm de focale à F/D=4. Pose de 21 minutes commencée le 23/03/96 à 0H54 TU. Utilisation de 4 masques.

Voir tirage brut

Voir tirages intermédiaires

Voir tirage final


Vous remarquerez que la technique du masque flou donne d'intéressants résultats sur les comètes brillantes. La comète Hale-Bopp méritera certainement, elle aussi, le même traitement.
Certains astrophotographes pratiquent aussi le masque flou sur les grandes galaxies, les amas globulaires et les planètes. Si vous n'avez pas encore rangé définitivement votre agrandisseur au fond du grenier au profit de la CCD, je vous encourage à réaliser un "masque flou" sur un de vos plus beaux négatifs. Vous oublierez bien vite les quelques heures de travail passées en chambre noire.



Bibliographie :

B.D.Wallis, R.W.Provin, "A manual of advanced celestrial photography", Cambridge University Press (1988).
D.Malin, Murdin, "Couleurs des étoiles".
F.Braem, "Techniques de l'astrophotographie : le masque flou", Astro-Ciel n°54, nov/déc 94.
Ch.Schur, "The magic of unsharped mask", Deep-Sky n°35, Summer 91, Kalmbach Publishing Co.


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